Avec plus de 40 ans de carrière et désormais 13 albums au compteur. Est-ce que Testament en a encore sous le pied?

Vraie question car si leurs premiers albums sont des classiques absolus, et que le groupe a traversé les décennies sans sombrer, la loi des rendements décroissants finit toujours par frapper. Avec Para Bellum, ces vieux briscards ont-ils encore quelque chose de frais à offrir ?

Testament - Para Bellum

L’album démarre fort avec For the Love of Pain, un titre rapide, furieux, et fortement teinté de black metal. Même si Testament a déjà flirté avec ce registre, on n’était jamais allé aussi loin, et ces touches “blackened” donnent clairement un coup de fouet au son du groupe. Le morceau intègre même quelques passages djent, histoire de pimenter encore la recette. Infanticide A.I. prolonge cette veine black/thrash, flirtant parfois avec le grind : les riffs fusent dans tous les sens, Chuck semble possédé, et la batterie vous refait le fondement gratos. Un futur classique de Testament, avec la rage et la vitesse.

Ensuite, l’album part un peu dans tous les sens. Meant To Be surprend avec une power ballade chargée d’émotion où le groupe se montre vulnérable et lyrique — du Testament version cœur brisé, joliment exécuté mais dispensable. Puis vient Nature of the Beast, un détour vers un hard rock léger à la Saxon… et, disons-le, c’est une idée plus séduisante sur le papier qu’à l’écoute.

Étrangement, mes morceaux préférés se trouvent en fin d’album. À partir de Room 117, Testament retrouve la bonne carburation avec une écriture plus fluide et accrocheuse. C’est un parfait équilibre entre leur son vintage et du heavy metal classique, avec un refrain irrésistible et des guitares mémorables qui rappellent Practice What You Preach. Encore mieux, Havana Syndrome trouve ce point d’équilibre entre le Testament de la grande époque et le heavy des années 80, avec des leads clairement marqués par la NWoBHM. Enfin, le morceau-titre Para Bellum clôt l’album sur une profusion d’idées, dont la plupart fonctionnent bien. Le mélange de thrash, de metal traditionnel et d’éléments blackened fait mouche. Bien sûr, tout n’est pas parfait, Para Bellum est un mélange inégal, parfois décousu à force de passer d’un style à l’autre, mais globalement plus de réussites que de ratés.

Côté performances, le talent dégouline de partout — comme toujours chez Testament. Eric Peterson et Alex Skolnick sont un duo de guitraistes ultra haut de gamme, capables de briller dans n’importe quel registre. Steve DiGiorgio, a.k.a. DieuGiorgio, est bien audible et apporte une profondeur essentielle. Le nouveau batteur, Chris Dovas, fait un boulot impeccable, avec une variété de frappes, de roulements et de foudres rythmiques qui tiennent la comparaison avec son prédecessuer. Bien sûr, on aimerait toujours revoir Gene Hoglan derrière les fûts, mais Dovas assure sans faillir. Reste Chuck Billy, impérial : sa voix sonne étonnamment jeune, puissante et expressive, alternant chant hurlé et chant clair avec une aisance impressionnante. Du talent à tous les étages, seules quelques maladresses d’écriture viennent gripper la machine.

En bref, Testament continue de vieillir avec classe. Para Bellum n’est pas le disque qui remplacera The Legacy ou The Gathering dans mon cœur, mais c’est un ajout plus qu’honorable à leur discographie — preuve qu’ils préfèrent encore explorer de nouveaux territoires plutôt que de ressasser le passé.