L’Amérique a un problème social. Cette année 2020 n’a fait que le confirmer avec les événements que l’on sait. Un groupe comme Body Count en est un symptôme. Mais comme le mal est plus profond que ce qu’il en a l’air car à l’autre extrémité du spectre (sans jeu de mots douteux), on trouve King 810.

Si Body Count a changé son fusil d’épaule en passant d’une dénonciation sans concession à un message plus subtil mais tout aussi fort. King 810 enfonce le clou et continue en ne faisant pas de quartier. D’aucun diront (à juste titre) que King 810 est beaucoup plus bas du front que Body Count, n’empêche que nos petits gars de Flint tape juste (et fort). Pour aller plus loin, je dirai que King 810 est aux années 2000 ce que Body Count était aux années 1990.

King 810 - AK Concerto No. 47 11th Movement In G Major

En fait King 810 c’est un peu comme Paris Match. Les darons (dans mon genre) se souviennent surement du slogan du journal dans les années 80/90 :  » le poids des mots, le choc des photos ». Après le choc des photos (cf le clip de Kill’em All issu de leur premier album) qui les a fait connaître, l’accent est mis sur le poids des mots.

Suicide King marquait déjà un important tournant pour le groupe, aussi bien sur le fond que la forme. AK Concerto No. 47, 11th Movement In G Major (ok va pour AK Concerto) montre encore une importante évolution sur tous les plans. Si ça sonne encore plus énorme (bien que très artificiel – cf la batterie en plastique), le gros progrès se situe principalement sur la musique en elle même. Les morceaux gagnent en musicalité et surtout King 810 fait montre d’une maîtrise quasi imparable des ambiances. C’est d’une lourdeur intolérable, d’une noirceur absolue et c’est parfois même suffoquant. Love Under Will compile tout ça avec maestria.

La force de King 810 est de tout casser. Gunn et Gill se foutent éperdument des usages et des codes. Musicalement on passe du Rap lourd à la limite de l’indus en n’oubliant de visiter le Nu Metal. Vocalement, Gunn alterne chant, hurlement, rap, bref il s’adapte à ce qui va le mieux avec la musique. Chaque fois c’est la claque. Il y a quelque chose de très punk dans le jusqu’au boutisme dont fait preuve le groupe, voir même presque une sorte de nihilisme. Comme si en parlant de flingues et des copains morts, Gunn attendait patiemment que sa chute accompagne celle du monde.

Je faisais plus haut un parallèle entre Body Count et King 810. Si Ice T s’est assagit avec l’âge (et sans doute aussi le matelas de dollars), Gunn continue son analyse de tout ce qui merde sociologiquement aux USA. Plus il progresse, plus ça ressemble à une descente aux enfers qu’il prend vraisemblablement un malin plaisir à partager. Body Count avec Manslaughter livrait un état des lieux peu reluisant aux débuts des années Trump, AK Concerto fait de même à la fin de celles-ci à travers un prisme certes différent mais tout aussi lucide. Dans un cas comme dans l’autre, l’oeuvre accouchée est fabuleuse.

AK Concerto, la dernière mandale de 2020.