Devin Townsend et sa bande de joyeux chevelus sont de retour pour une nouvelle offrande du joyau qu’est Strapping Young Lad. Si l’album précédent en avait peut-être laissé quelques uns sur leur faim, cet Alien porte on ne peut mieux son nom car la bête a évolué… et pas qu’un peu.

Pour beaucoup, SYL est synonyme de cafouilli-bazar musical tant la musique est dense. La première chose que l’on remarque à l’écoute de ce disque c’est que le cafouilli-bazar, même si il est toujours là, se veut bien plus accessible. Comparez Skekis à Velvet Kevorkian (par exemple) et vous sentirez de suite la différence. On détecte tout de suite la mélodie à travers les différentes couches que constitue la musique de SYL.

Strapping Young Lad - Alien

Ces couches sont ici clairement identifiables. La première d’entre elles est la voix, Devin domine l’ensemble de son timbre si particulier. Les autres couches, quant à elles, se superposent et se mélangent suivant des tempos changeant aussi vite que Gene Hoglan change de pied à la double. A ce propos, on nous avait promis un Gene Hoglan en bonne forme, je dirais pour ma part qu’il est Imperial… Ce jeu de mots pourri me permet d’enchaîner sur le titre en question en disant que cette intro au disque met tout de suite dans le bain. On y retrouve à peu près toute la musique de SYL à l’exception peut-être de la vitesse. Il y a Devin qui braille, la guitare de Jed Simon plus lourde que jamais, la vrombissante basse du sieur Byron Stroud, l’imperial (bis) Gene Hoglan inhumain comme à son habitude et ses nappes de samples plus présentes qu’à l’accoutumée.

La suite est un enchaînement de titres assez surprenants, je m’explique. D’Imperial à Shitstorm, on sent un montée en puissance et un retour progressif vers le SYL que l’on a connu sur City c’est-à-dire ultra bourrin, très dense et suffisamment déstructuré pour mettre tout le monde hors course. La bien nommée Shitstorm illustre cet état de fait de la meilleure des manières – avec un Gene Hoglan tout simplement écoeurant. C’est sur la fin de ce titre qu’un autre changement se fait sentir. En effet après l’avalanche de décibels, le titre se conclue plus calmement afin de permettre une transition tout en douceur vers Love?. Oui un titre de SYL qui parle d’amour ce n’est pas commun, mais quand en plus ce titre à un tempo aussi lent pour un groupe de ce calibre, c’est qu’un changement encore plus grand se prépare. Certes Devin braille comme un malade, Hoglan sort des roulements de double grosse caisse limite agaçants tellement ils sont parfaits et le tout est d’une lourdeur pas croyable mais on sent une réelle volonté de la part du groupe de partir vers de nouveaux horizons.

Love? marque donc un break dans le disque, le scindant définitivement en 2 parties : une première où l’agression est le maître mot, où la densité de la musique fait son œuvre avant de laisser la place à des titres aux tempos légèrement ralentis mais la lourdeur du son et les arrangements font en sorte de vous emmener dans le monde du nouveau SYL.
Certes cette seconde partie contient quelques perles de tartinage plutôt musclé (We Ride) mais même ces titres marquent cette évolution en oubliant le côté barré des débuts du groupe.

C’est sur la fin du disque qu’on est vraiment en pleine hallu, SYL se permet une ballade à la sèche accompagné du chant d’un Devin qu’on dirait apaisé après avoir hurlé sa haine au monde entier – et ceci même si les paroles ne sont pas de haut niveau si je peux dire. Les 2 titres suivant confirmeront ce radical changement et la chanson finale, au titre évocateur, sonne comme un signe que le SYL des City et autre Strapping Young Lad est en voie d’extinction. Zen, puisque c’est d’elle dont il s’agit, pourrait marquer la fin d’une époque, comme si Devin pensait avoir fini de transmettre le message de SYL. Vous me direz qu’il y a toujours de la double et des grattes avec des riffs hallucinants mais écoutez donc ce chant ! C’est imparable ! Ha… on me fait signe que j’en fais trop et que ça commence à se voir… oui bon peu importe en fait, ça tue tout simplement.

Non Alien n’est pas City, plus aucun album de SYL ne le sera et c’est tant mieux, il faut d’ailleurs cesser toutes comparaisons avec ce chef d’œuvre, il n’est pas non plus l’album éponyme, qui pour moi est le plus faible de la disco de SYL (et pourtant Aftermath ça envoie des bûches). Alien est tout simplement un nouveau chapitre de la vie de SYL et du génial Devin et quel chapitre ! Un album tout simplement grandiose qui résume à lui seul le génie d’un homme, car OUI Devin est un génie, un des seuls en activité dans le monde du métal (l’autre étant pour moi Peter Tägtgren) et putain que ça fait du bien d’en avoir des comme ça.