Батюшка- Batushka dans notre alphabet – est de retour avec un nouvel album! En attendant le nouvel album de l’autre Batushka prévu début juillet 2019. Explications.

Avant de parler de l’album, je vais prendre le temps recontextualisé tout ce qui s’est passé ces derniers mois, ceci afin que vous compreniez bien de quoi il retourne car on est quelque par entre Les Feux de l’Amour et Dallas.

Sorti de nulle part en 2015, Batushka déboule de sa Pologne natale sur la scène Black Metal avec un (excellent) premier album intitulé Litourgiya. Officiant dans un registre pour le moins original pour du Black, à savoir une orientation clairement théiste de son sujet avec des choeurs qui renvoient à ceux que l’on peut entendre dans les églises orthodoxes, le groupe se rapidement une solide réputation. Bref c’est la branlée, tout le monde est d’accord pour dire que ça bute pupute. Y compris en live car s’ajoute à la musique tout un décorum et un cérémonial encore une fois très inspiré de l’église orthodoxe.
Devant tant de succès, le groupe se voit proposer un contrat chez MetalBlade.

Oui mais voila, tout n’est pas rose au pays de la vodka.
20 décembre 2018 – Krzysztof Drabikowski, guitariste / fondateur du groupe et principal compositeur de Litourgiya annonce sur l’instagram du groupe qu’il vire tout le monde et que l’album à venir chez MetalBlade n’aura rien à voir de près ou de loin avec lui. La semaine suivante, le poste en question disparaît et on peut lire à la place que c’est lui qui a été viré de Batushka par Bartłomiej Krysiuk (chant) et que tous les médias sociaux dont il avait le contrôle ont été supprimés sur la base de violation de propriété intellectuelle. S’en suit un échange d’amabilités par YouTube interposé où Drabikowski dit que Krysiuk lui a fait un enfant dans le dos en embauchant des musiciens pour faire l’album car il estimait que Drabikowski ne composait pas assez vite. Du coup, ils régleront ça au tribunal.
6 mai 2019 – Drabikowski explique qu’un jugement a été rendu en sa faveur interdisant à Krysiuk d’utiliser le nom « Batushka » (que ce soit pour tourner ou nouveaux morceaux). Dans le même temps, le Batushka de Krysiuk – annonce une tournée pour le mois de juin, précisant au passage qu’aucun morceau de Litourgiya ne sera joué. Pas fou le mec, faudrait pas que son ex-compère récupère des royalties au passage.
13 mai 2019 – Batushka version Drabikowski sort un nouveau morceau (Песнь 1) sur son YouTube perso et en profite pour confirmer qu’il va sortir un nouvel album sans pour autant dire quand. Le morceau reçoit un accueil favorable.
15 mai 2019 – voyant qu’il vient de se faire couper l’herbe sous le pied, le Batushka de Krysiuk sort lui aussi un nouveau morceau intitulé Chapter I: The Emptiness – Polunosznica (Полунощница). L’accueil est pour le moins mitigé.
24 mai 2019 – sans qu’on ne lui demande rien, Marcin Bielemiuk (ex-batteur du Batushka original) poste un long message sur la page Facebook du Batushka de Krysiuk où il taille un costard sur mesure à Drabikowski. Il explique que c’est une diva, que c’est Krysiuk qui a fait du groupe ce qu’il est, que certes il a composé une grande partie de l’album mais que Krysiuk est le cerveau derrière Batushka etc etc.
27 mai 2019 – Drabikowski sort le second album de son Batushka intitulé Панихида (Requiem) qui est celui qui nous intéresse aujourd’hui.

Libre à chacun de se faire son idée sur la question. Nous verrons en temps voulu ce que vaut Hospodi, l’album du Batushka de Krysiuk. En attendant occupons nous de Панихида (Requiem)!

Pour faire simple, Панихида (Requiem) est la suite logique de Litourgiya. Tout, absolument tout ce qui a fait craqué les foules sur Litourgiya est présent dans Панихида (Requiem). Ce savant mélange d’orthodoxie et de brutalité,ces choeurs masculins graves et puissants et cette ambiance inimitable. Les guitares sont également plus variées, le son massif de la huit cordes se fait parfois plus dissonant et invite à un fort ralentissement du tempo. C’est d’ailleurs une des particularité de l’album, ces changements de rythmes soudain où l’on passe du lent au mid puis du mid aux blasts – ces derniers étant utilisés avec parcimonie pour bien soulignés une phrase musicale donnée. C’est toujours aussi brillamment composé et ça tire toujours par moment vers le Doom. Bref « more of the same » comme on dit outre-Atlantique.
On note cependant certains changements par rapport au premier. Celui qui est le plus évident est bien entendu le chant. Un peu plus grave que celui de Krysiuk, on reste malgré tout dans quelque chose de proche. La production globale de l’album est aussi un cran en dessous de celle de Litourgiya. En fait plus que la prod, c’est surtout le mixage qui sonne parfois brouillon, on perd en lisibilité ce qui est dommageable avec une musique aussi dense. Il est fort probable que le sieur Drabikowski, à force d’être le nez dans le guidon ait loupé quelques bricoles. Cela se ressent aussi dans les compos avec des structures parfois « surprenante » (un changement de rythme qui tombe comme un cheveux sur la soupe par exemple). A moins que ça ne soit voulu auquel cas…

Néanmoins, abstraction faite de ces petits aléas inhérent au contexte dans lequel c’est fait l’album, ce Requiem est tout à fait délectable. J’ai retrouvé sur Песнь 4 tout ce que j’ai aimé sur Yekteniya 2 mais d’une autre manière. De toute façon pour Drabikowski l’essentiel était ailleurs: être le premier à sortir « son album de Batushka » et c’est qu’il a fait. En plus du fond il y a mis la forme. Car le vrai tour de force est là, proposer une des meilleures sorties de l’année dans le genre pour autant faire la révolution.
A voir si l’autre Batushka sortira un disque capable de soutenir la comparaison.