Ca a commencé sur un malentendu, Dez prenant mes parents pour des bikers à cause d’un tshirt qu’ils m’ont offert. Ca a fini en parlant de ce que sont devenus les anciens Coal Chamber et de Dracula… le rottweiler de Phil Anselmo.
Entre temps, on a parlé de ce qui va suivre avec Dez et John… enfin plus Dez que John ce dernier tenant une gueule de bois bien tassée. Il a du mal avec le vin français le pépère 🙂

Devildriver - The Last Kind Words

NicKo: Vou êtes retournés au Sonic Ranch studio pour l’enregistrement de The Last Kind Words, pourquoi ce choix?
John : C’est facile d’y travailler. C’est totalement isolé.
Dez : C’est au milieu de nulle part. Il n’y a rien à y faire à part faire de la musique.
John : Et puis la bouffe est bonne aussi.
Dez : Oui (rires). C’est un endroit où vous pouvez vous lever le matin et travailler de 10 à 2 heures du matin sans interruption jusqu’à ce que votre tâche soit accomplie. Vous pouvez travailler sans être tenté d’aller faire la fête dans des clubs et vous laisser distraire. Car nous savions que ce disque marquait un moment décisif de notre carrière et qu’on avait plutôt intérêt à se concentrer.

NicKo: Vous y êtes retournés avec Jason Suecof dans vos valises, pourquoi ce choix?
Dez : A cause de l’album de Bury your Dead.
John : On parle production bien sûr, c’est tout.
Dez : C’est incroyable. En termes de production c’est le meilleur que j’ai jamais entendu.
John : Oui, c’est très bon. « On s’est dit, c’est ce gars qui a fait ça, alors allons y. »
Dez : Il a fait d’autres trucs pas mal… mais pas pour moi. Par contre Bury your Dead c’est vraiment la meilleure production que j’ai jamais entendue.

NicKo: Il s’est fait une belle notoriété avec les derniers albums de Trivium et Chimaira…
Dez : Je n’ai l’ai sûrement pas choisi à cause de l’album de Trivium. Nous faisons un style de musique très différent.
John : Je me souviens que j’étais avec leur ingénieur du son dans un endroit appelé Jack’s Virginia… je crois que Burry your Dead n’était pas encore sorti. Mais leur ingénieur Mark Lewis était là. Il venait d’avoir le nouveau Trivium et il me l’a fait écouter dans sa voiture. Puis on est retourné au bar et il m’a demandé ce que je pensais de la production. Je lui ai dit que je la trouvais mauvaise.
Dez : Notre batteur est un type très franc.
John : Je lui ai dit franchement que je n’aimais vraiment pas. Il m’a dit «C’est vrai ?». Puis on a parlé d’autre chose… je n’aurai donc jamais pensé travailler avec lui un jour.
Dez : Je pense que Mark apprécie que John lui dise sincèrement ce qu’il ressent. Mais quand nous avons entendu le Bury… quand vous rentrerez chez vous, écoutez le !
John : Ceci ne veut bien entendu absolument pas dire que je n’aime pas le dernier Trivium. Je ne parle que de la production de l’album.
Dez : Oui, c’est totalement différent.
John : Mais j’aime vraiment ce qu’il avait fait sur notre album.
Dez : Absolument. Je crois qu’un bon producteur est quelqu’un qui a la capacité de capturer l’essence d’un groupe et uniquement cela. Quand vous entendez l’album, la première chose que vous vous dîtes ce n’est pas qu’il a été produit par Jason… et c’est ça l’important. Et il travaille à un rythme de dingue. Il a fait la batterie en deux jours et demi. Pour le chant de The Fury Of Our Maker’s Hand, je pouvais bosser jusqu’à 5 heures avec Colin Richardson sur chaque chanson. Avec Jason je bossais trente minutes puis il m’appelait en me disant «Ecoute ce que tu viens de faire.» J’avais toutes les premières prises, les émotions, toute la passion. C’est ce qui rend cet album très spécial. De tous les albums que j’ai faits, de tous les producteurs avec qui j’ai travaillé, personne n’avait jamais réussi à saisir ce moment comme il a su le faire.

NicKo: Pour votre album précédent, vous aviez 30 chansons avant d’entrer en studio. Combien en aviez-vous cette fois ?
John : Nous avions autant de titres qu’il y en a sur l’album à 2 ou 3 près.
Dez : Nous avions fait le tri avant cette fois, et donc nous n’avons pas perdu de temps. Nous savions ce qui sonnerait bien. Quand on est arrivé à la 12ème chanson, nous n’étions pas sûrs qu’elle serait assez bonne alors nous ne l’avons pas enregistrée. Il fallait que ce soit parfait. On voulait faire quelque chose de différent.

NicKo: Comment choisissez-vous les titres qui feront partie de l’album ?
John : On prend les meilleurs qu’on ait (rires).
Dez : Oui, on prend les meilleurs. Pas ceux que lui et moi nous aimons, mais ceux que le groupe, nous tous nous trouvons les meilleures. Le plus dingue c’est que cela devient évident. C’est comme quand on est tous ensemble autour d’une table en train de manger et que tout le monde trouve ça mauvais.
John : Ca m’arrive aussi de jouer des trucs à mes amis pour qu’ils me disent honnêtement leur opinion…
Dez : Pas moi. Pas tant que tout n’est pas enregistré. Je ne peux pas. Parce qu’il faut que je travaille sur ceux que les autres ont faits. La manière dont ces types écrivent est vraiment cool. Ils travaillent d’abord individuellement, puis deux par deux, et puis finalement tous ensemble… ensuite ils m’amènent le truc et je leur dis oui ou non. Après j’écris les paroles et ils me disent oui ou non. Je réécris et nous ne passons pas à autre chose avant que ce soit parfait. On met notre ego totalement de côté. Le guitariste peut écrire des parties de basse, le bassiste peut jouer de la guitare et inversement. Tout ce qui compte c’est le travail d’équipe et je trouve que c’est une bonne façon de faire. Je n’ai jamais vu ça dans aucun autre groupe. La plupart du temps, si le guitariste a écrit un truc il vous dira : « Je l’ai écrit, je le joue. Va te faire foutre ! » et puis ça partira en vrille. Eux ils s’en fichent. Qu’importe qui fait quoi. Moi j’ai une vue à la fois extérieure et intérieure sur ce qu’ils font et ils ont une relation très spéciale selon moi.

NicKo: Vous semblez vraiment bien vous entendre, qu’est-ce qui fait que vous soyez si proches les uns des autres ?
John : Les bars. (Rires) Le Wild Turkey !
Dez : (Rires) C’était avant le troisième album de Coal Chamber. Il avait entendu dire que je formais un autre groupe. On s’est vu dans un bar, on a pris un verre mais ce n’était pas un guitariste que je recherchais, or, à l’époque il jouait de la guitare. Il n’était pas batteur. Et je lui ai demandé : « Pourquoi je te choisirai toi plutôt que lui ?» Il a été très honnête et m’a dit : « Il est meilleur guitariste que moi mais il est incapable d’écrire une chanson alors que moi oui. » On a pris un whisky et voilà. C’est depuis ce jour là qu’on est devenu amis. J’ai beaucoup de chance. J’ai des amis géniaux, un groupe génial. Et tout cela est arrivé à un moment de ma vie où je me sentais très progressiste dans ma manière de penser. Ca n’aurait pas pu s’enchaîner mieux que ça.

NicKo: Selon moi, votre premier album a été très influencé par le Metal Extreme américain. Qu’en pensez-vous ?
John : Cela vient sûrement du fait que cet album a été en grande majorité écrit par Evan Pitts, notre premier guitariste. Il a quitté le groupe après quelques tournées. C’est un style très représentatif de ce qu’il écrivait.
Dez : Il n’aurait pas partagé l’écriture de l’album avec qui que ce soit. Je m’en suis rendu compte en répétition… parce que tout le monde dans le groupe joue de la guitare. Quand je n’étais pas là, il leur laissait lui présenter leurs idées et disait que c’était bien. Mais dès que je me montrais il disait que ça n’allait pas et qu’ils n’allaient pas écrire ses parties. En fin de compte, il était peut-être temps pour lui de quitter le groupe.
John : Il est parti de lui-même.
Dez : Quand on est parti en tournée, il s’est effondré. On l’a trouvé en train de pleurer à trois heures du matin parce qu’il voulait rentrer chez lui. Il ne supportait pas tout ça. Alors je lui ai dit : « Pars ! Pars, s’il te plaît. »
John : Quoi qu’il en soit c’était un bon premier album, un bon début, et il nous a vraiment aidé… puis il est parti et j’en suis content. Non parce que je suis content qu’il soit parti, ça craignait vraiment, mais parce que cela a donné l’occasion d’exister à tous les membres du groupe.
Dez : Moi, je suis content qu’il soit parti parce que les autres musiciens devaient pouvoir aussi faire leurs trucs et accroître leur jeu. Au début il nous a aidé à aller là où nous le voulions et je lui en suis reconnaissant mais… certaines personnes aiment la musique, d’autres aiment la musique et ce qui va avec. Evan détestait les tournées. Il détestait vraiment ça. Il avait horreur des balances, des interviews, il détestait tout ce qui faisait une tournée. Il valait mieux donc pour lui rester à la maison plutôt que d’être musicien. Mais je le remercie de ce qu’il a fait.

NicKo: A l’inverse, Je trouve effectivement que le second album sonne plus « européen ».
Dez : C’est vraiment dû à ce que les garçons y ont mis… ils voulaient faire quelque chose de totalement différent. Pour nous cet album était un peu plus expérimental. Pour moi, il y a des titres un peu légers à mon goût, mais c’est sans aucun doute une progression. Et tant que le groupe a progressé, j’en suis satisfait. Mais cela n’a rien de comparable avec notre dernier album, The last kind words, parce que toutes les chansons qu’ils m’ont soumises pour ce dernier album m’ont enflammées, elles m’ont rendues dingue. Je ne pouvais pas croire que j’avais une telle chance… d’être là dans mon salon en train d’écrire des paroles pour de si bonnes chansons. C’est vraiment excellent ! Le nouveau est beaucoup plus lourd, les chansons ont des structures différentes, il y a beaucoup plus de travail sur la guitare. Tout le monde a vraiment progressé en tant que musicien. Pour nous, c’était le moment idéal pour sortir ce genre d’album. Je pense que c’est un moment décisif de l’existence de Devildriver. Tout le monde dit que le nouvel album est meilleur.
John : Et c’est le cas !
Dez : Quand vous faîtes 40 interviews et que tout le monde vous répète que c’est votre meilleur album… vous ne pouvez que le croire.
John : Pour nous, c’est vraiment une progression naturelle. Si vous avez aimé les deux premiers vous ne pouvez qu’aimer celui là parce que nous avons gardé notre style, cet album est juste plus heavy. Par contre, si vous n’avez pas aimé les deux premiers parce qu’ils n’étaient pas assez extrêmes, vous pourrez quand même aimer celui-là, parce qu’il l’est vraiment beaucoup plus.

NicKo: Pensez-vous persévérer dans ce sens et faire une musique de plus en plus extrême ? Peut-être du death ?
Dez : J’aime utiliser cette analogie… pour certains groupes, le meilleur album est le premier. Guns and Roses a fait Apetite for Destruction, les albums suivants étaient bien en dessous. Nous on s’améliore. Et tout le monde, y compris notre label, sait que notre cinquième, notre sixième ou notre septième album sera absolument incroyable. Nous avons sorti trois albums en quatre ans parce que nos fans ne veulent pas d’excuses. Ils veulent de la musique, ils veulent qu’on fasse des tournées.
John : On ne fera jamais de Death Metal, je ne le crois pas.
Dez : Non. On appartient à aucune catégorie. On ne fait pas de Death Metal, de Black Metal, ni de Metal Core… on fait du Devildriver. C’est très important pour nous de définir notre son sans se soucier des modes ou de ce qui est commercial. Je tiens à ce qu’on reste nous-mêmes et différents des autres. C’est très important.

NicKo: Vous vous sentez donc libre de faire ce qui vous plaît chez Roadrunner…
Dez : Oui. Ils ne nous ont jamais dit qu’ils voulaient une chanson qui puisse passer en radio. Ils l’ont dit à d’autres groupes mais pas à nous. En fait, quand leur bureau de New York a reçu cet album, ils l’ont peut-être trouvé trop heavy. Mais ils ne nous l’ont jamais dit. Jamais. Monte Conner qui a signé le groupe le plus heavy du monde l’a écouté et m’a dit : « C’est très heavy Dez. Es-tu sûr que c’est ce que tu veux ? Nous devons penser aux ventes etc…» et je lui ai dit : « Bien sûr, je suis sûr de ce que je fais. » Quatre jours plus tard on nous a rappelé et Monte lui-même m’a dit : « Cet album, c’est un monstre de Heavy Metal. » Je lui ai envoyé un e-mail disant : « Je veux ça en citation sur l’album. ». Nous devons rester fidèles à nous-mêmes. Nous faisons de la musique pour nous. Quand on nous demande ce qui nous influence, je réponds qu’on s’influence les uns les autres. J’ai été poussé par ces types plus que par n’importe qui d’autre. Quand vous chantez et que vous voyez tous vos potes autour de vous avec un casque sur les oreilles qui crient : « Yeeee !!! », vous vous dîtes : « Ok, je fais du bon boulot. ».

NicKo: Jusqu’à présent les réactions ont donc été bonnes…
John : Oui. Les fans ne l’ont pas encore entendu mais oui.
Dez : Comme je dis toujours, en tant que groupe, vous vivez dans une bulle jusqu’au moment où vous faîtes 9 villes en 10 jours et 400 interviews.
John : Le deuxième album nous a lancé dans la bonne direction et je pense que c’est aussi ce que pensent nos fans et la presse. Et notre fan base s’agrandit, alors…

Dez Fafara & John Boecklin

Dez Fafara & John Boecklin

NicKo: Quels sont vos projets pour la tournée ?
Dez : On va commencer par une tournée avec Dimmu Borgir, Unearth et Kataklysm. On va partager le bus avec Kataklysm ce qui devrait être sympa. Ils nous ont un peu attaqués dans la presse quand on a fait la tournée avec Opeth parce qu’ils auraient voulu la faire à notre place, mais les choses se sont arrangées entre nous depuis et je pense qu’on va vraiment bien s’amuser. Après il y aura les Festivals. Puis on retournera aux USA, on ira en Australie et au Japon. A l’automne on fera une vraie tournée en tête d’affiche. Cette année nous avons d’ailleurs décidé que l’Europe serait prioritaire pour nous. Nous ferons plus de dates ici qu’aux Etats Unis. Pareil l’an prochain. C’est certain. Avec ce disque, on fera 400 dates avant même de penser à ralentir.

NicKo: Dez, tu as participé à l’album Roadrunner United, tu peux nous raconter comme tu t’es retrouvé impliqué dans cette aventure?
Dez : J’étais en tournée quand Dino Cazares de Fear Factory m’a appelé et m’a dit : « Tu as 5 jours pour écrire une chanson et être prêt à enregistrer ça. ». C’est cool de participer à un projet ou toutes les sortes de Metal sont représentées. D’ailleurs, vous savez, sans Dino je ne serai peut-être pas là à vous parler aujourd’hui. Il paraît que le bureau de Roadrunner à Londres a signé son nouveau groupe et que leur musique est incroyable. Pour en revenir à moi, c’est lui qui a donné ma première démo au label en leur disant : « Donnez du boulot à ce type ! ». Ce fils de pute c’est mon Père Noël à moi. C’est le meilleur et c’est un type droit. S’il vous aime, c’est cool. S’il ne vous aime pas, il vous le dira. Je l’aime. C’est lui qui m’a permis de démarrer dans la musique. Je ne pourrais jamais oublier quelqu’un qui a fait ça pour moi. Phil Anselmo a permis à Devildriver de faire son premier concert, Sharon et Ozzy nous ont mis à l’affiche du Ozzfest quand j’ai quitté Coal Chamber, je n’oublie jamais les gens qui m’ont soutenu quand j’en ai eu le plus besoin.

NicKo: Je me tourne vers John qui a l’air un peu éteint.
Et toi John, tu aimes autant le vin que Dez ?
Dez : (dans un éclat de rire) Non, lui il aime le vin blanc. Il en a bu 4 bouteilles la nuit dernière c’est pour ça qu’aujourd’hui il est un peu…

NicKo: Par contre toi tu as l’air de beaucoup apprécier, on te voit toujours débarquer sur scène avec une bouteille !
Dez : Je suis italien. J’aime le vin rouge. Je reviens d’Espagne et je trouve que leurs vins sont meilleurs que les vins italiens. S’ils lisent ça en Italie ils vont m’en vouloir, mais…

NicKo: 2 petites dernières pour conclure.
Quel est le truc le plus idiot qu’on vous ait demandé en interview ?
Dez : Le plus stupide ? Qu’on me demande si je retournerais un jour dans Coal Chamber ! C’est vraiment le truc le plus ridicule que j’ai jamais entendu de ma vie. Si vous avez quitté un boulot ou une femme depuis 7 ans… jamais au bout de tout ce temps on ne vous dira : « Oui, tu l’as quittée il y a 7 ans. Mais tu ne penses pas que vous vous remettrez ensemble un jour ? ». C’est un truc vraiment bizarre à dire à quelqu’un.

NicKo: Un petit mot pour terminer…
Dez : Oui. Je sais que ça fait cliché mais comme à tous ceux qui nous ont soutenu je vous dis : Merci ! Nous ne serions pas là sans vous. Je me sens humble quand je pense que je suis dans ce business depuis 12 ans. A tous ceux qui ont écouté ma musique, depuis le début jusqu’à aujourd’hui, merci beaucoup! Grâce à eux j’ai pu voyager dans le monde entier, rencontrer des gens intéressants. Le voyage ne tient pas toujours dans la destination. Le voyage c’est les choses et les gens que vous croisez le long de la route. Et j’ai vraiment rencontré des gens formidables dans des lieux formidables !

Merci à Dez & John, Oliver et Alex de Crypt’O ainsi qu’à Roadrunner France