C’est fou comme l’écoute d’un disque peut parfois avoir des conséquences inattendues.

Comme vous le savez, nous fêtons cette année les 30 ans du Black Album de Metallica. Ayant déjà plus ou moins couvert le truc à travers un EP de reprises originaire d’Allemagne, il ne me semblait pas pertinent de revenir sur le sujet. Puis j’ai repensé à la compilation de reprises qui nous intéresse aujourd’hui et dont beaucoup de médias musicaux US ont parlé notamment à cause de l’inattendu présence de Miley Cyrus (notamment). Inattendu? Pas tant que ça en fait.

Metallica - The Metallica Blacklist

Plutôt que d’aborder la chose en analysant chacun des titres – ce qui serait vite devenu pénible car il y a quand même 11 FOIS Nothing Else Matters dans la tracklist- j’ai pensé qu’il serait plus intéressant de s’interroger sur le pourquoi de la présence d’artistes aussi divers que variés sur un disque de reprises d’un monstre de la scène Metal.

Pour faire simple, le Black Album est le disque qui a fait entrer le Metal (avec tout ce que ça implique) dans la culture populaire.
Avant ce disque, chaque album avait fait monté un échelon à Metallica en terme de popularité mais ce n’est qu’avec ce cinquième album qu’ils se sont aussi sur le toit du monde.

En chiffre ça donne 500 000 exemplaires du single Enter Sandman écoulés 15 jours avant la sortie de l’album et ce, rien qu’aux USA. Pour Metallica, à l’époque, c’est une très belle performance. Toujours aux USA, l’album partira à 600 000 exemplaires la première semaine et se classera premier des ventes dans 10 pays (mais pas en France, il ne fera que 53ème). Bref 30 ans après, il s’est vendu 31 millions de Black Album dans le monde – ce qui fait rentrer Metallica dans le club très fermé des « 30 millions d’exemplaires vendus et + » dans lequel on retrouve Mariah Carey, Michael Jackson, Céline Dion ou encore les Beatles.

Puisqu’on parle des Beatles, l’influence du Black Album sur la scène musicale planétaire est souvent comparée à celle du White Album du groupe de Liverpool. Comparaison certes facile vu l’antagonisme des couleurs choisies mais pas dénuée de sens si l’on compare leur héritage. Le blanc a révolutionné la Pop quand le noir a ouvert de nouveaux horizons au Metal. De plus, Helter Skelter des Beatles est pour certains, le premier morceau de Heavy Metal de l’Histoire. La boucle serait ainsi bouclée.

Mais revenons-en à Metallica.
Là où ils font très fort, c’est que le disque a conquis le grand public. Exit les morceaux à rallonges, les plans trop techniques et le tempo qui s’emballe. Le groupe opte pour un format radio, ajoute de la mélodie, cale un slow pour le quart d’heure américain pendant les boums (les 35 ans et + comprendront) et on s’autorise même à placer quelques notes de West Side Story sur Don’t Tread On Me. Comme le disait James à l’époque dans une interview donnée à Rolling Stone, le Black Album est un disque “plus facile à écouter pour quelqu’un qui n’aurait jamais entendu Metallica avant“.

Bien entendu, chez les puristes c’est la douche froide. Où est mon instru de 10 minutes? Pourquoi Kirk a t-il une « wah wah » greffer sous le pied? Pourquoi est-ce qu’on entend la basse de Jason? On en oublierait presque que comme son prédécesseur, cet album a connu un enregistrement des plus chaotiques. Avec l’influent Bob Rock (The Cult, Mötley Crüe) aux manettes, Jason, Kirk et surtout Lars et James ont du revoir leur façon de travailler. Ce qui a bien entendu conduit à des mémorables prise de becs, sachant qu’en plus 3 d’entre eux étaient en plein divorce à l’époque. Ca n’empêchera cependant pas nos 4 masochistes de reprendre Bob Rock pour 3 albums de plus derrière la console avec le résultat que l’on sait. Ce qui poussera certains à dire que Bob Rock « a tueR » Metallica mais ce n’est pas le sujet.

Cependant ces petites histoires de fans froissés dans leur égo n’auront au final que peu d’incidence. Nothing Else Matters devient un phénomène planétaire et un classique instantané. Le morceau se permet en plus de casser certains tabou au niveau des thématiques abordées par les chansons (ici les relation longues distances) ouvrant ainsi la porte à tout un tas des groupes qui vont s’engouffrer dans le registre.
Mieux, en ce début des années 90, le monde change à toute vitesse et le Black Album ouvrira à Metallica de nouvelles portes. En témoigne ce concert légendaire aux Monsters Of Rock à Moscou (avec les Black Crows, AC/DC et Pantera avec Anselmo qui lâche un « we’re taking over this town » succulent) devant 800 000 spectateurs (officiellement) mais plutôt 1,5 million dans les faits.

La sécu qui comprend rien, Jason en feu, le public en transe et Lars avec sa caisse claire…

Ca c’est pour l’impact à l’époque alors 30 ans après, c’est peu de dire que le disque est passé à la postérité.
Il est aujourd’hui normal d’entendre un extrait du Black Album dans une émission automobile pour illustrer un reportage sur une voiture un peu sportive. Il n’est pas non plus rare d’entendre un morceau dans une série télé ou un film – souvenez-vous d’I Disappear pour Mission Impossible 2. Plus récemment c’est Nothing Else Matters (encore) qui refait parler d’elle dans une version ré-enregistrée pour la B.O. du film Jungle Cruise – un film Disney. C’est là qu’on mesure le chemin parcouru.

Voila donc pourquoi il n’est pas surprenant de retrouver Miley Cyrus sur cette compilation. Pas plus que d’entendre Weezer réciter sa leçon sur Enter Sandman, Dave Gahan (Depeche Mode) s’ouvrir les veines sur Nothing Else Matters, Pharrell Williams (The Neptunes) faire le DJ sur Wherever I May Roam, Volbeat massacrer Don’t Tread On Me ou bien la française Izïa Higelin (fille de) prendre un très gros risque sur My Friend Of Misery.

Par extrapolation et maintenant que nous avons le recul, le Black Album est aussi l’annonce du tournant artistique que va prendre Metallica sur les albums suivant. Plus Rock, plus expérimental et surtout plus rien à foutre de des critiques – en témoigne Lulu.
L’histoire retiendra que le groupe reviendra quand même au bercail quand le compte en banque piquera du nez suite à l’échec de Through The Never mais c’est une autre histoire..