Un an et neuf mois après la sortie du monumentale EP This Present Darkness, la chimère est de retour avec des moyens sans précédent et une ambition clairement affichée: en mettre plein la tronche à la planète entière. Durant ces 21 mois, pas mal de choses auront changé dans le groupe : un changement de guitariste et surtout la signature d’un deal avec Roadrunner Records – écurie qui compte dans ses rangs Slipknot, Machine Head et feu-Fear Factory excusez du peu.

Et donc la question que tout le monde se posait à l’époque était : est-ce que la signature du groupe sur un label de la taille de RR va changer quelque chose dans leur musique ? Et bien la réponse est mitigée.
J’explique.

Chimaira - Pass Out Of Existence

Oui ils ont toujours la haine, oui les compos décollent toujours le papier peint des murs des toilettes (voir chronique de This Present Darkness pour comprendre l’allusion) et oui Chimaira est toujours un groupe aussi génial MAIS… toute cette débauche de moyens, bien que pleine de bonnes intentions, à un peu noyer le poisson.

Ce fameux EP où la haine était présente à chaque titre bénéficiait d’une production assez géniale compte tenu des moyens disponibles à l’époque, l’album lui est beaucoup plus froid. La prod est ici nettement plus indus que métal. C’est un changement auquel il faut s’habituer, surtout lorsqu’on est apprécie la douce chaleur de la haine présente sur l’EP.
Viennent ensuite les morceaux. C’est toujours du Chimaira 100% pur jus : la batterie défonce toujours tout, les riffs sont toujours aussi méchant et les compos ont gagné en maturité. Mais… les morceaux ré-orchestrés (notamment les démos qui traînent ici ou là sur le net et figurent pour certains sur l’EP) ont un peu perdu de leur charme justement à cause de cette fameuse production glaciale. Le côté suicidaire de la géniale Dead Inside est quelque peut atténué à cause de cela. A l’inverse, les machines à baffes que sont Forced Life, Severed et Painting The White To Grey gagnent une nouvelle jeunesse grâce à ce petit lifting et Taste My… voit les émotions qu’elles diffusent amplifiées à l’infini là encore grâce à la prod.
En dehors des morceaux déjà connus évoqués ci-dessus sur lesquels on peut débattre (savoir si on préfère la nouvelle ou l’ancienne version), il y a les petits nouveaux et là ben… WHAOU ! Ecoutez Let Go ou Lumps pour comprendre la puissance de feu qui sommeille sur ce disque. C’est très très efficace et ça déclenchera à coup sur la folie dans le mosh pit même si objectivement, on ne peut pas dire que les riffs respirent l’originalité. Ce sont une fois de plus le chant de Mark et surtout le dieu Andols et sa batterie qui font la différence.

Des influences palpables et connues du groupe, on retrouve aisément la trace dans les divers morceaux mais de nouvelles sensations se font également sentir notamment dans Sp Lit et Options où la rythmique et surtout la voix lancinante ne sont pas sans rappelées un certain Layne Staley de feu-Alice In Chains.

Comme sur tout bon disque qui se respecte, il y a les ovnis, les titres inclassables qui font à la fois la qualité et la légende d’un album. Ici il y a Rizzo. Morceau hallucinant à 3 guitares (wiz le Stephen Carpenter des Deftones – la boucle est bouclée), hyper lourd, hyper malsain, hyper barré et surtout hyper bourrin. La pédale vous martèle le crâne non-stop et les sons de guitares sortis d’on ne sait où vous font ressentir un truc bizarre qui vous titille le fond des cages à miel… que du bonheur en somme.
Le disque se conclut sur la magistrale Jade. Morceau fleuve de 12 minutes dans lequel le groupe se livre à toutes sortes d’expérimentation musicale. On passe du triphop à la jungle pour finir en pur thrash qui fait peur à mémé.
Au final on se retrouve donc avec un album varié, plein de choses – nouvelles et anciennes, bonnes et moins bonnes – qui nous promet un avenir radieux si le groupe garde ses compos si glauque qui font son charme et surtout s’il se décide à lâcher l’infâme producteur qu’est Mudrock. Sa façon de produire est infâme, c’est glacial et c’est du sabotage. Peut-être que ça convient à des groupes comme Godsmack mais pitié… c’est Chimaira là quoi merde…

ET PAR PITIE QU’ON ARRETE DE ME COMPARER CHIMAIRA A SLIPKNOT SACRE NOM DE ZEUS !!! Les 2 groupes n’ont rien en commun à part peut-être leur label.

Finalement, Chimaira a plutôt bien négocié le passage de l’underground au devant de la scène (même si le groupe demeure peu connu). Pass Out Of existence, malgré quelques lacunes, laisse une nouvelle fois entrevoir l’énorme potentiel déjà détecté sur leur précédent EP. Attendons de voir si le prochain chapitre prévu pour le printemps 2003 confirmera tous les espoirs placés en ce groupe.